Dans son dernier rapport publié le 8 avril, la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a exprimé des préoccupations croissantes concernant l’escalade des dérives sectaires, particulièrement dans les secteurs de la santé et du bien-être. Quelles sont les implications de ce rapport ?
Aperçu des données clés du rapport 2022-2024
Le rapport de la MIVILUDES révèle que l’année 2024 a enregistré 4571 alertes, contre 2160 en 2015. Cela représente une hausse de 111% des signalements de suspicions de dérives sectaires et des demandes d’information sur une décennie.
Entre 2022 et 2024, le nombre annuel de dossiers transmis aux autorités judiciaires est monté de 13 à 45, soulignant la sévérité des infractions rapportées.
La MIVILUDES définit les dérives sectaires comme des « actions qui, par divers moyens, notamment en exploitant des croyances ou des doctrines, soumettent des individus à une dépendance génératrice de nombreux préjudices, tant personnels que financiers ».
Les dommages liés à l’emprise psychologique dans un contexte sectaire sont multiples et sérieux : isolement familial et social, négligence des soins médicaux traditionnels, exploitation mentale, sexuelle et financière, posant un risque accru, surtout pour les mineurs.
Entre 2022 et 2024, les signalements ont majoritairement porté sur la santé et le bien-être (37%), suivis des cultes et spiritualités (35%), et de l’éducation et de la finance (13%). Les autres sujets, moins fréquents, incluaient le complotisme, le séparatisme ou encore le survivalisme radical.
Dans les 37% de cas liés à la santé et au bien-être, les alertes concernaient principalement :
- La remise en question des professionnels de santé et des intervenants en thérapie complémentaire ;
- Les thérapies alternatives proposées ;
- Les pratiques de coaching, de bien-être et de développement personnel.
Les transformations alarmantes du phénomène sectaire
Le rapport souligne une mutation du phénomène sectaire qui, autrefois associé aux sectes religieuses, se manifeste désormais de manière plus diffuse dans les sphères du soin, du bien-être et du coaching.
Un autre aspect préoccupant est l’émergence d’influenceurs pseudo-scientifiques sur les réseaux sociaux, qui mettent en danger des publics vulnérables, surtout les jeunes, tout en facilitant leur mise en relation. Un exemple notable est celui de l’influenceuse australienne Belle Gibson qui prétendait en 2013 avoir guéri d’un cancer en modifiant son régime alimentaire, un cas exposé dans la série Netflix « Apple Cider Vinegar » qui critique les dérives du bien-être numérique.
Plusieurs facteurs sociétaux accentuent les risques de dérives sectaires :
- L’ouverture de centres de bien-être mélangeant professionnels de santé et intervenants en bien-être sans distinction claire pour les utilisateurs ;
- L’intégration croissante des pratiques non conventionnelles dans les hôpitaux sans avertissements ni encadrement médical adéquat ;
- L’augmentation des pseudo-thérapies promettant des soins pour les malades du cancer et les personnes souffrant de troubles mentaux ;
- Une présence massive sur les réseaux sociaux de pratiques de soins non conventionnelles souvent liées à des escroqueries ;
- La diversification des méthodes et offres autour du jeûne ;
- Des pratiques variées dans le domaine de la santé mentale telles que les pseudo-psychothérapies ou les faux souvenirs induits ;
- De nombreux professionnels utilisant le préfixe « psycho » sans être enregistrés au RPPS (Répertoire Partagé des Professionnels de Santé).
- Une perception généralement positive des thérapies alternatives, avec 70% des Français ayant une bonne image de ces pratiques et 57% les considérant au moins aussi efficaces que la médecine traditionnelle.
Précautions à prendre face à un professionnel de santé
Pour éviter les pièges, soyez attentif si le praticien :
- Critique ou remet en question la médecine conventionnelle et ses traitements ;
- Vous conseille d’abandonner tout traitement conventionnel ;
- Vous promet une guérison « miracle » à travers des méthodes alternatives excluant les soins médicaux traditionnels ;
- Se présente comme le seul capable de vous guérir ;
- Vous dissuade de parler de votre situation à votre famille, votre médecin ou vos amis ;
- Exige des honoraires élevés, justifiés par l’exclusivité de ses connaissances ;
- Utilise un discours mêlant indistinctement des concepts médicaux, psychologiques et spirituels ;
- Ne s’appuie sur aucune étude scientifique valide et ne cite que des témoignages d’autres patients.
Si vous observez ces comportements ou avez des doutes sur les pratiques d’un professionnel de santé, il est conseillé de :
- En parler à votre entourage et à d’autres professionnels de santé, comme votre médecin traitant ;
- Vous renseigner sur le parcours professionnel, les titres et les diplômes du praticien ;
- Contacter le conseil de l’Ordre concerné si nécessaire ;
- Prendre contact avec la MIVILUDES.
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